Tout le monde... ou presque
Que ce soit parce que le petit est malade, parce que ses dents de lait percent, parce qu'il fait des cauchemars ou simplement parce qu'il se réveille si souvent qu'on finit par craquer, tous les parents ont, un jour ou l'autre, plus ou moins longtemps (et parfois très longtemps…), dormi avec leur enfant. Mais personne n'ose vraiment le dire. Car la norme affichée par les spécialistes de la petite enfance, c'est un bébé qui « fait ses nuits » (sous-entendu, qui dort d'une traite une douzaine d'heures), tout seul dans son lit.
Souvent contre l'avis des médecins
Face aux médecins, c'est motus et bouche cousue. Fatima, mère d'une petite Louise, 2 ans, raconte. Après avoir accueilli sa fille dans l'unique chambre, celle des parents, puis dans le lit - « parce que les premiers mois, en allaitant, c'est quand même plus simple » -, elle a compris qu'il valait mieux se taire dans le cabinet du pédiatre. « A la visite des 6 mois, il a préconisé le sevrage de la petite. Je n'en avais aucune envie. J'ai bien senti la forte désapprobation. Alors, parler du lit… j'ai laissé tomber. »
Les pédiatres, en effet, ne sont pas favorables au « co-dodo ». « La chambre est le territoire du couple. L'enfant ne doit pas interférer. Quand l'enfant a 7 ou 8 mois, il est temps que les parents se retrouvent. Le petit doit, lui, faire connaissance avec son propre territoire », explique Pierre Douillet, chef du service de pédiatrie de l'hôpital de Fontainebleau.
Dormir loin de ses parents : une spécialité occidentale
Cette volonté sociale de faire dormir les bébés et les enfants loin de leurs parents est une spécialité occidentale. Nulle part ailleurs, on agit ainsi. En Asie (y compris dans un pays aussi « moderne » que le Japon), en Afrique, en Océanie, en Amérique du Sud, on considère comme allant de soi la proximité mère-petit enfant, la nuit, celle-ci étant même une condition indispensable au bon sommeil de l'enfant. Les modalités du sommeil sont d'ailleurs très différentes d'un pays à l'autre : hamac, berceau, bras, avec les frères et sœurs, avec la mère, avec les deux parents…
Des anthropologues, comme Hélène Stork en France ou James Mac Kenna aux Etats-Unis, ont commencé à étudier sérieusement ces comportements. Nathalie Roques, dans son livre "Dormir avec son bébé", aux éditions de l'Harmattan, n'hésite pas à lancer le débat, en parlant du monde occidental moderne qui « propose là une modification majeure et inédite d'un comportement
biologique, physiologique et relationnel naturel, le sommeil normal du petit enfant ». Aujourd'hui, précise-t-elle, « on peut vraiment opposer le sommeil occidental au reste du monde. Il y a dans nos pays une problématique du sommeil de l'enfant qui n'existe pas dans le reste du monde ; le sommeil du bébé n'est tout simplement pas vécu comme un problème ! »
A chacun sa solution
Il existe en France, et dans le monde occidental, des parents qui ont opté pour le « co-dodo ». En réalité, aucun dogmatisme n'a de place dans ce type de situation : à chacun de trouver la réponse qui lui convient le mieux. Le sommeil dans le même lit n'est certainement pas la panacée, mais on peut toujours inventer d'autres solutions, depuis le matelas d'appoint ou le lit « side-car », jusqu'à la multiplication des grands lits dans les différentes chambres (si on peut, bien sûr) qui permettent à tout le monde, parents et enfants, de naviguer d'un lit à l'autre, en fonction des cauchemars et des réveils. Une nuit, c'est papa qui déménage, une autre, c'est maman ou les enfants...
Et puis il faut savoir que le sommeil varie en fonction de l'âge : un tout petit bébé qui manifeste un besoin nocturne intense de sa maman se satisfera peut-être très bien d'un dodo en solo à artir de 6 mois... pour revenir avec papa-maman vers 2 ans !
Alors, un conseil : la souplesse est la clé de belles nuits. Un soir, vous aurez une bonne surprise ! En effet, voilà que le petit crampon (en général, vers l'âge de 3 ans) réclame son lit, et s'en va vivre sa nuit de son côté, sans vous... Et rien ne prouve que le cadet, à son tour, réclamera la chaleur de papa et maman pour s'endormir.
source famili